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Nouveau mécanisme de provisionnement des régimes de retraite à prestations déterminées

Par Chun-Ming (George) Ma, FICA

De nombreuses administrations canadiennes ont mis en œuvre des réformes au sujet de leur législation sur les rentes et ont adopté un nouveau mécanisme de provisionnement appelé régime de « continuité plus » pour régir les régimes de retraite à prestations déterminées (régimes PD). L’objectif de cette réforme est d’abaisser et de stabiliser les cotisations requises aux régimes PD, principalement en réduisant les exigences de provisionnement du déficit de solvabilité et en renforçant les exigences de provisionnement sur base de continuité. Dans le cadre du nouveau mécanisme, les régimes de retraite sont tenus de détenir une réserve, appelée provision pour écarts défavorables (PED), afin de se prémunir contre les écarts imprévus entre les résultats réels et les hypothèses utilisées dans les évaluations actuarielles.

J’ai effectué une analyse stochastique afin d’évaluer l’incidence des politiques liées au provisionnement sur les risques et les coûts d’un régime PD dans le cadre du nouveau mécanisme de provisionnement. L’étude considère la période d’amortissement, la composition cible de l’actif, les limites d’utilisation des excédents et la PED comme des décisions stratégiques clés pour le régime. Les constatations de mon analyse sont publiées dans le document de recherche de l’ICA intitulé Analyse stochastique des politiques de provisionnement des régimes de retraite à prestations déterminées.

Perspectives stratégiques

Le nouveau mécanisme de provisionnement vise à déterminer si un régime PD dispose de suffisamment d’actifs et de cotisations prévues pour couvrir les prestations promises compte tenu de son statut d’activité continu. Il permet aux régimes d’utiliser un taux d’actualisation fondé sur le rendement à long terme prévu des actifs du régime pour calculer les exigences de provisionnement.

Ma recherche vise à évaluer l’éventuelle incidence à long terme du nouveau mécanisme de provisionnement sur les régimes PD et à calculer les valeurs appropriées de ses paramètres.

Dans mon analyse, j’ai utilisé trois mesures de risque fondées sur le ratio de provisionnement projeté d’un régime PD sur une période de 20 ans. Les trois mesures sont les suivantes :

  • La fourchette dans laquelle se situent 90 % des ratios de provisionnement potentiels – plus la fourchette est large, plus le niveau de provisionnement futur du régime sera incertain.
  • Le risque de sous‑provisionnement – probabilité que le ratio de provisionnement projeté soit inférieur à la limite inférieure d’une fourchette de tolérance au risque.
  • Le risque de surprovisionnement – probabilité que le ratio de provisionnement projeté dépasse la limite supérieure d’une fourchette de tolérance au risque.

La « fourchette de tolérance au risque » est une tranche de ratios de provisionnement dont la limite inférieure se situe sous 1,0 et la limite supérieure dépasse 1,0, représentant le niveau de risque de provisionnement accepté par les parties prenantes du régime (tels que les actionnaires, les contribuables ou les employés).

Les principales perspectives stratégiques tirées de mes recherches sont résumées ci-dessous.

Politique d’amortissement

En vertu du nouveau mécanisme de provisionnement, les déficits de continuité doivent être amortis sur 10 ans sur une base de nouveau départ, à l’opposé de l’ancien amortissement fermé sur 15 ans. Cet amortissement ouvert sur 10 ans établit un équilibre entre les exigences de provisionnement annuelles stables et la provision adéquate pour les passifs du régime. Une période d’amortissement plus longue stabiliserait davantage les exigences de provisionnement, mais elle augmente le risque à la fois d’un sous-provisionnement et d’un surprovisionnement importants.

Politique de placement

Les exigences de provisionnement des régimes PD en vertu du nouveau mécanisme sont principalement dictées par les évaluations de continuité, qui sont fondées sur un taux d’actualisation déterminé en fonction du taux de rendement à long terme prévu de l’actif du régime. La composition des placements a une incidence importante sur les coûts et les risques du régime. Une affectation plus élevée de la caisse de retraite dans les placements axés sur le rendement (par exemple, les actions) pourrait potentiellement réduire les coûts de provisionnement, mais aussi augmenter la volatilité du ratio de provisionnement, le risque de sous-provisionnement et l’incertitude des exigences de provisionnement.

« Pour prendre des décisions en matière de placement, les promoteurs et fiduciaires de régimes devraient comparer le coût du provisionnement par rapport au risque du ratio de provisionnement futur. »  

La capacité financière de l’employeur à faire face à des augmentations imprévues des exigences de provisionnement doit également être prise en compte. Par exemple, une stratégie de placement à faible risque peut être plus appropriée si les éventuels paiements d’amortissement du déficit sont considérables par rapport aux flux de trésorerie et aux budgets de fonctionnement de l’employeur.

Politique relative à l’excédent

Les résultats de ma modélisation montrent que l’utilisation sans restriction de l’excédent pourrait accroître l’exposition d’un régime au risque de sous-provisionnement au fil du temps. Ainsi, des limites devraient être imposées à l’utilisation de l’excédent. Les administrations canadiennes qui adoptent le nouveau mécanisme de provisionnement exigent que les régimes de retraite maintiennent un seuil de provisionnement supérieur à 100 % (fondé sur la continuité ou la solvabilité) avant que toute utilisation de l’excédent ne soit autorisée. Habituellement, un régime n’est pas autorisé à utiliser un montant excédentaire qui entraînera un déficit de solvabilité. Cependant, cette exigence fondée sur la solvabilité pourrait être trop restrictive, car elle est susceptible d’empêcher un régime de profiter d’une exonération de cotisations même s’il enregistre un excédent de provisionnement considérable sur une base de continuité. Cela pourrait également entraîner un important risque de surprovisionnement et porter atteinte à l’équité intergénérationnelle.

Politique de réserve de capitalisation

L’intégration d’une PED dans le processus de provisionnement peut améliorer remarquablement le niveau de provisionnement futur d’un régime de retraite et minimiser le risque de sous-provisionnement à long terme. Plus la PED est considérable, plus l’amélioration du provisionnement est importante et plus le risque de sous-provisionnement est faible.

Cependant, il est important de noter qu’une PED plus élevée augmente également le potentiel de surprovisionnement.

Pour atteindre l’objectif de provisionnement à long terme d’un régime, une PED fondée sur le risque peut être établie. Cette PED doit viser à atteindre un provisionnement intégral à la fin d’un horizon temporel spécifié (par exemple 20 ans) avec un niveau de confiance souhaité (par exemple 75 %). La PED tient compte du risque de placement que le régime assume. Les régimes dont une proportion plus élevée de leur caisse de retraite est investie dans des actifs axés sur le rendement exigeraient probablement une PED supérieure comparativement aux régimes dont la stratégie de placement est plus prudente, tous les autres facteurs étant égaux par ailleurs.

Dans le cadre du nouveau mécanisme de provisionnement, les régimes qui adoptent une politique de placement à risque plus élevé, offrant un rendement prévu plus élevé, auront des exigences de provisionnement inférieures en comparaison avec les régimes qui optent pour une politique de placement plus prudente. Cependant, le taux d’actualisation à lui seul ne devrait pas inciter les promoteurs de régimes ou les fiduciaires à augmenter le risque de placement et à bénéficier de cotisations requises plus faibles. La PED fondée sur le risque aide à atténuer ce problème potentiel en tenant compte du degré de risque de placement associé au régime.

J’ai constaté que le profil des participants d’un régime (c.-à-d., stationnaire par rapport à non stationnaire) n’est pas un facteur important pour déterminer une PED fondée sur le risque. Ce résultat remet en question la réglementation qui oblige un régime fermé à provisionner une PED plus élevée comparativement à un régime ouvert.

« En conclusion, je crois que les décideurs devraient adopter une politique dynamique de PED qui s’aligne sur le risque de ratio de provisionnement inhérent au régime de retraite. La PED devrait varier en fonction de l’évolution de la situation de provisionnement et du risque de placement associé au régime. »

Pour une politique de placement donnée, la PED devrait être ajustée à la hausse ou à la baisse en réponse aux changements considérables dans le niveau de provisionnement du régime.

Élaboration d’une stratégie de provisionnement à long terme

Pour les régimes PD dont on s’attend à ce qu’ils poursuivent leurs activités dans un avenir prévisible, il est possible d’élaborer une stratégie de provisionnement à long terme qui répond à leurs objectifs de provisionnement. Une combinaison des politiques suivantes peut être utilisée pour contrôler le risque lié aux niveaux de provisionnement futurs à la hausse ou à la baisse : (1) le niveau de PED inclus dans l’exigence de provisionnement du régime, et (2) le plafond de l’excédent pouvant être utilisé à titre d’exonération de cotisation ou à d’autres fins. Lorsqu’une politique de placement et une règle d’amortissement du déficit ont déjà été établies pour un régime, l’établissement de valeurs appropriées pour ces paramètres peut contribuer à assurer la viabilité à long terme du régime.

Conclusion

Chaque régime de retraite PD a des objectifs de provisionnement uniques en fonction de sa structure, des caractéristiques de ses participants et des préférences de risque des parties prenantes. Il est difficile de prédire avec exactitude le niveau de provisionnement à long terme d’un régime en raison de l’incertitude des facteurs économiques et démographiques. Cependant, les constatations tirées de cette recherche peuvent aider les promoteurs de régimes ou les fiduciaires à élaborer une stratégie viable de provisionnement à long terme qui répond aux objectifs de provisionnement du régime.

Chun-Ming (George) Ma est un actuaire à la retraite qui possède plus de 30 ans d’expérience dans le domaine d’expertise-conseil en questions de retraite et en réglementation prudentielle des régimes de retraite au Canada. Il a assumé les fonctions d’actuaire en chef de l’ancienne Commission des services financiers de l’Ontario (maintenant l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers) jusqu’à sa retraite en 2014. Au cours de son mandat, il a fourni des conseils d’expert aux décideurs gouvernementaux, aux professionnels et professionnelles du secteur des régimes de retraite et au grand public sur les questions réglementaires et actuarielles liées aux régimes de retraite agréés en Ontario.

George Ma est membre de la Society of Actuaries et de l’Institut canadien des actuaires, et il détient un doctorat en mathématiques. Il a été professeur auxiliaire à l’Université de Hong Kong, où il a enseigné des sujets se rapportant aux régimes de retraite de 2012 à 2022. M. Ma est passionné par la recherche de solutions innovantes servant à aborder les défis démographiques et financiers auxquels sont confrontés les systèmes de retraite publics et privés. Il a produit des travaux écrits et donné des conférences sur des problématiques en rapport avec la gestion financière des régimes de retraite.

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